Les indemnités d'expropriation

L’expropriation implique, par définition, la cession forcée d’un bien immeuble, depuis le patrimoine du particulier exproprié en faveur du patrimoine du pouvoir public expropriant.

 

L’exproprié, privé de sa propriété, doit être indemnisé de l’ensemble des préjudices qu’il subit.

 

Ces préjudices sont généralement analysés et évalués comme suit.

 

1. La valeur vénale

 

 

La valeur vénale est définie comme « étant la valeur marchande, la valeur de vente que l'on obtiendrait en exposant en vente un bien dans des conditions normales de publicité ensuite d'un concours suffisant d'amateurs ».

 

En d’autres termes, elle correspond au prix que l’exproprié aurait pu obtenir s’il avait décidé de mettre le bien en vente.

 

La méthode utilisée pour déterminer la valeur vénale est « la méthode des points de comparaison » qui consiste à rechercher des prix auxquels ont été vendus des immeubles semblables à l’immeuble exproprié et, par-là, à déterminer le prix auquel l’immeuble exproprié aurait pu être vendu.

 

Les critères à prendre compte pour appliquer cette méthode sont nombreux et il faut tenir compte par exemple « du statut urbanistique du bien, de son affectation, de son environnement, de la qualité du quartier, de sa superficie, de son gabarit de sa vétusté, etc. ».

 

2. La valeur d’avenir

 

 

Traditionnellement, la valeur vénale comprend à la fois la valeur actuelle et la valeur d’avenir. Celle-ci est définie comme étant « la plus-value qui résulte d’événements futurs avantageux dont la réalisation présente une probabilité suffisante pour que les acheteurs éventuels des terrains concernés en tiennent compte au moment de l’expropriation ».

 

La valeur d’avenir doit être certaine et ne peut donc pas être purement hypothétique ou reposer sur de simples spéculations.

 

 

3. La valeur de convenance

 

 

La valeur de convenance est définie comme étant « une valeur particulière que présente un bien pour son propriétaire et qui serait indifférente au commun des acheteurs ».

 

La valeur particulière peut se comprendre comme les aménagements faits par le propriétaire en vue d’exercer son activité professionnelle par exemple. L’exproprié pourrait également invoquer la localisation du lieu s’il se situe près de l’endroit où il exerce son activité professionnelle.

 

La convenance peut être indemnisée si elle est certaine et suffisamment démontrée.

 

Étant un avantage propre pour le propriétaire de l’immeuble, la valeur de convenance suppose l’occupation du bien par celui-ci.

 

Pour calculer cette valeur, les juges procèdent à une évaluation ex aequo et bono en fonction des circonstances propres à la cause car la valeur de convenance ne se base pas sur des données objectives. Souvent, il s’agira d’un pourcentage de la valeur vénale.

 

4. La valeur d’affection

 

 

Une indemnité peut être octroyée pour la valeur d’affection lorsque l’immeuble a « dans le chef de son propriétaire, une valeur toute particulière pour des raisons sentimentales. »

 

La valeur d’affection est à distinguer de la valeur de convenance. En effet, à l’inverse de la valeur de convenance qui est patrimoniale, la valeur d’affection est entièrement extrapatrimoniale.

 

L’indemnité liée à la valeur d’affection n’est pas facilement accordée. Les juges tiennent compte de la valeur d’affection uniquement si l’expropriation entraîne un déracinement ou une véritable perturbation, ce qui suppose un attachement sentimental justifié par des éléments objectifs. En conséquence, « Le simple fait dans le chef d’une famille d’être propriétaire d’un bien depuis plusieurs générations ne suffit pas à lui seul à conférer à ce lieu une valeur d’affectation ».

 

5. L’indemnité de remploi

 

 

L’indemnité de remploi « vise à compenser les droits d’enregistrement, de transcription et les frais notariaux inhérents à l’acquisition d’un immeuble ».

 

Cette indemnité est calculée sur base d’un barème dégressif.

 

 

 

6. Les intérêts d’attente

 

 

Les intérêts d’attente sont destinés à compenser la perte de revenu entre la réception de l’indemnité et son remploi.

 

Ces intérêts ne sont toutefois pas dus lorsque le bien exproprié ne produit pas de revenus, tels des immeubles inoccupés ou délabrés.

 

La jurisprudence a déjà considéré que l’appréciation de l'existence de ce préjudice gît en fait, et selon chaque cas d'espèce.

 

En toute hypothèse, lorsque le principe de l’octroi d’intérêt d’attente est reconnu, la doctrine et la jurisprudence majoritaires tendent à reconnaitre un intérêt d’attente pendant trois mois sur la base du taux d’intérêt légal.

 

 

7. Les locataires et les pertes de rentrées locatives

 

 

Le sort des locataires entraine plusieurs questions.

 

Tout d’abord, il convient de rappeler qu’en cas d’expropriation, les baux relatifs au bien empris sont anéantis.

 

Pour faire valoir leur droit, les locataires peuvent intervenir dans la cause, sur la base de l’article 10 de la loi du 26 juillet 1962 (toujours en vigueur à Bruxelles).

 

En pareil cas, ils doivent être indemnisés, pour autant que la situation de mise en location soit régulière, en particulier à l’égard de l’urbanisme. Le bail doit donc avoir un objet licite, ou le dommage sollicité par le preneur sera jugé illégitime.

 

Ensuite, en cas d’expropriation, l’exproprié peut réclamer une indemnité pour la perte de revenus locatifs que cette expropriation entraine. En pareil cas, l’indemnité devra donc permettre à la victime de l’expropriation de disposer d’un montant lui permettant d’acquérir des avantages matériels équivalents à ceux qui auraient été obtenus si l’expropriation n’avait pas eu lieu.

 

 

8. Les frais de déménagement

 

 

Les frais de déménagement doivent être assumés par le pouvoir expropriant. L’évaluation de ceux-ci se fait sur la base de devis et le pouvoir expropriant est légitimement en droit de solliciter des factures.

 

 

 

9. Les frais d’avocat et de conseil technique

 

 

Il est traditionnellement admis que l’exproprié doit être indemnisé de ses frais de conseil. La cour d’appel de Bruxelles a considéré que : « Dès lors que l’indemnité en cas d’expropriation doit comprendre tous les dommages subis par l’exproprié et qui présentent un lien de causalité avec l’expropriation, les frais d’assistance judiciaire exposés par l’exproprié qui présentent un lien de causalité avec l’expropriation, constituent un élément de cette juste indemnité ».

 

Cette jurisprudence sera confirmée en 2012 par d’autres arrêts de la Cour de cassation qui énoncent notamment que : « La juste et préalable indemnité due à l’exproprié doit couvrir tous les dommages que celui-ci a subi et qui ont un lien causal avec l’expropriation, y compris les frais d’assistance juridique qui ont un lien nécessairement causal avec l’expropriation », ainsi que « La juste et préalable indemnité due à une partie expropriée doit comprendre la réparation de tous les préjudices qui sont en relation causale avec l'expropriation. Sur la base de ces considérations, l'arrêt, qui constate le caractère de nécessité du lien de cause à effet entre l'expropriation et les frais de conseil technique que les défendeurs ont dû exposer, a pu légalement décider d'inclure ces frais dans la juste indemnité qu'il leur alloue ».

 

10.  Tout autre perte ou préjudice

 

 

Tout autre perte ou tout préjudice quant qui affecte l’exproprié doit être indemnisé par le pouvoir expropriant. Il peut s’agir :

 

  • des frais liés au remboursement anticipé d’un emprunt,

  • de la perte d’un amortissement comptable,

  • de la perte totale ou partielle d’un fonds de commerce,

  • de la taxation de la plusvalue immobilière que l’expropriation peut entrainer

 

 

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