Le livre 3 en 12 épisodes - La propriété immobilière en volume (ép. 1)

  • Mais c’est une réforme ?
  • Non, Maître, c’est une révolution !

S’il est bien une révolution du nouveau Livre 3, instituant le droit des biens en Belgique par le biais de la loi du 4 février 2020, c’est celle de la notion de volume. La propriété immobilière tridimensionnelle fait son entrée dans le droit positif belge et permet de revoir la notion de superficie. Ce faisant, le législateur s’est inspiré de modèles étrangers et répond aux demandes du monde de la promotion.

 

Un immeuble par nature en 3D

Le terme est consacré en lien avec la notion d’immeuble par nature. Ce dernier sera désormais le fonds de terre (comme auparavant) mais aussi « les divers volumes les composant, déterminés en trois dimensions ». Les travaux parlementaires nous éclairent en précisant que le volume est « un espace géométrique à trois dimensions, géographiquement situé dans un lieu précis ».

Il en résulte qu’à partir du 1er septembre 2021, date d’entrée en vigueur du livre 3, un immeuble par nature pourra ne plus avoir d’attache avec le sol. L’autre conséquence est que cette propriété, distincte du sol, qu’elle soit située sur le sol, sous le sol ou au-dessus du sol, sera perpétuelle, ce que notre ancien droit ne permettait pas. En effet, le seul moyen, sous l’ancien régime, de consacrer un droit de propriété immobilier distinct du sol était la superficie. Mais cette dernière restait essentiellement temporaire, avec un maximum de 50 ans, selon la loi du 10 janvier 1824. Cette contrainte avait été rappelée par l’arrêt Picasso de la Cour de cassation du 13 septembre 2013.

Le législateur a donc voulu innover en consacrant une véritable propriété immobilière perpétuelle, distincte du sol, soit, en d’autres termes, une possibilité de créer une superficie perpétuelle.

Une superficie revisitée

La notion de volume se retrouve donc naturellement dans le titre 8 consacré à la superficie, puisque ce droit d’usage se définit comme « conférant la propriété d’un volume, bâtis ou non, en tout ou en partie, sur, au-dessus ou en dessous du fonds d’autrui, aux fins d’y avoir tous ouvrages ou plantations ».

Si la durée maximale de la superficie est poussée à 99 ans, au lieu de 50 ans auparavant, il sera permis d’y déroger dans deux cas.

Tout d’abord, lorsque le droit de superficie est constitué à des fins de domanialité publique, il pourra être perpétuel. Notons que la jurisprudence avait déjà admis la compatibilité entre superficie et domaine public par le biais de son arrêt Ro-ro du 18 mai 2017.

Ensuite, et c’est le cœur de notre sujet, le droit de superficie pourra être perpétuel « lorsque et tant qu’il est constitué par le propriétaire du fonds pour permettre la division en volumes d’un ensemble immobilier complexe et hétérogène comportant plusieurs volumes susceptibles d’usage autonome et divers qui ne présentent entre eux aucune partie commune ».

Cette formule inédite envisage donc la réalisation d’un complexe immobilier qui verra se superposer différents blocs, lesquels auront une fonction distincte, et se verront désormais exister par eux-mêmes et de façon perpétuelle, même s’ils n’ont aucun lien avec le sol.

On peut donc imaginer un ensemble immobilier composé d’un sous-sol consacré à des parking, d’un rez-de-chaussée accueillant une galerie commerçante, d’un bloc supérieur fait de bureaux et, enfin, au sommet de l’ensemble, d’un ultime bloc dédié au logement.

La seule manière, sous l’ancien droit, d’imaginer pareil complexe requérait de recourir, par un « détour artificiel » disent les travaux parlementaires, au concept de copropriété. Désormais, ces différents blocs n’auront aucun lien entre eux. Ils pourront constituer, en soi, une copropriété (par exemple les logements au sommet) mais ne présenteront aucune partie commune avec les autres blocs. Ainsi, les limites horizontales qui constitueront les nouvelles limites séparatives entre les « fonds » seront des clôtures mitoyennes, au sens de l’article 3.103 qui vise expressément ces clôtures d’un nouveau genre, puisque totalement détachées elles aussi du fonds ou encore enfouies dans le sol, si d’aventure des blocs de propriété immobilière devaient aussi se succéder en souterrain.

Il n’empêche que les lois de la physique impliquent que des ouvrages collectifs devront être érigés : on pense aux ascenseurs, aux escaliers de secours ou encore aux canalisations de fourniture ou de décharge. Les travaux parlementaires n’empêchent pas ces « équipements collectifs utilisés par les différents propriétaires superficiaires de volumes » ; reste cependant à voir quelle forme ces équipements revêtiront.

Un modèle étranger

Cette nouveauté interroge déjà le milieu notarial (comment rédiger un acte d’achat d’un volume en sur-sol ?), le SPF Finances (comment cadastrer un tel volume ?) ou les géomètres (comment borner deux volumes d’air ?). Si cette notion est une nouveauté en droit belge, elle nous vient de modèles étrangers, dont le modèle français et sa loi ALUR qui autorise depuis 2014 « la division en volume d’ensemble immobilier complexe ». Nul doute qu’un regard vers la frontière française aidera à dissiper ces difficultés.

 

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