Le livre 3 en 12 épisodes - « La sortie d’indivision » (ép. 6)
« Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision » constitue l’un des grands principes du droit civil. Cette règle, qui relève de l’ordre public, a été débattue ces dernières années quant à son application à la copropriété volontaire. Et d’une manière générale, depuis 1804, le droit de la copropriété a connu un développement que les concepteurs napoléoniens n’avaient pas envisagé. Au contraire, dans leur esprit, l’indivision était une anomalie à laquelle il fallait pouvoir mettre fin au plus tôt, grâce au salut de cet article 815.
Voyons ce que le livre 3 en a fait, de ces principes et de ces conceptions.
Indivision et copropriété
L’indivision est le partage d’un même droit sur une chose par plusieurs personnes. Lorsque ce droit est la propriété, il y a copropriété. Cette dernière est donc une forme d’indivision.
L’article 815 du Code civil, rappelé ci-avant, n’a pas été abrogé par la réforme, car il vise tout type d’indivision, et non seulement la copropriété.
Par contre, le droit de copropriété se voit désormais reconnaitre un titre particulier au sein du livre 3 et est même visé comme étant un droit réel en tant que tel, théoriquement distinct du droit de propriété.
Le nouveau texte consacre trois formes de copropriété et chaque forme connait un mode de partage qui lui est propre. Dès lors, avant de s’interroger sur la possibilité de « sortir d’indivision », il convient de s’interroger sur la nature de celle-ci pour savoir si cette faculté existe et, dans l’affirmative, à quelle(s) condition(s).
La copropriété fortuite
Comme son nom l’indique, la copropriété peut naitre fortuitement. C’est celle qui nait à la suite d’un décès. Son régime constitue le droit commun de la copropriété.
Le droit de solliciter le partage reste de mise. Il s’agit d’un principe quasi absolu. S’il n’est plus renvoyé à l’article 815 de l’ancien Code civil, l’article 3.75 du nouveau texte emporte la même substance : chaque copropriétaire peut solliciter, quand bon lui semble, le partage. Si ce dernier ne peut opérer en nature, il y aura vente publique du bien et partage du prix en résultant.
Comme auparavant, les copropriétaires peuvent décider de renoncer à cette faculté mais pour un maximum de 5 ans. Pareil accord, dénommé « pacte d’indivision », doit être transcrit pour être opposable au tiers si le bien est un immeuble.
La copropriété volontaire
Cette copropriété résulte de la volonté des parties, par le biais d’un contrat. On pense à un couple non marié qui achète un bien immeuble ensemble, ou encore à des associés qui investissent à des fins professionnelles.
Le régime de ce type de copropriété est avant tout celui du contrat. A défaut de contrat écrit, ou si ce dernier est incomplet, il faudra avoir égard au régime de droit commun de la copropriété fortuite.
L’intérêt premier de la réforme, en matière de copropriété, est précisément la question du droit de solliciter le partage d’une copropriété volontaire. En effet, par un arrêt de 2013, la Cour de cassation avait énoncé que l’article 815 de l’ancien Code civil ne trouvait pas à s’appliquer à l’indivision volontaire, ce qui avait suscité nombre de discussions.
Le nouveau texte répond donc à cette question, en distinguant toutefois selon la durée de la copropriété.
Ainsi, si la copropriété est à durée déterminée, le texte prescrit que les parties sont tenues par leur contrat. Les notaires seront bien avisés de conseiller leurs clients d’organiser des conditions de sortie dans leur convention (délai, motifs, modalités…) car si rien n’est prévu, théoriquement, la convention fera loi et devra aller jusqu’à son terme.
Si la copropriété est à durée indéterminée, ce qui constitue la grande majorité des cas, chaque copropriétaire peut solliciter le partage « moyennant un délai raisonnable » et ce, « nonobstant toute clause contraire ». A nouveau, les conditions de sortie peuvent avoir été prévues dans la convention originaire. A défaut, si les parties n’ont pas prévu de délai, il reviendra au juge saisi de la contestation de fixer ce délai. Pour l’y aider, le texte prévoit que le juge tiendra compte de plusieurs critères, dont les frais déjà exposés par les parties, la persistance du motif ayant amené les copropriétaires à s’engager ou encore l’inconvénient que cette demande peut causer à l’autre copropriétaire. En toute hypothèse, le délai fixé par le juge ne pourra excéder 5 ans.
La copropriété forcée
Vient enfin la copropriété forcée. Il s’agit généralement de l’accessoire d’un bien privatif dont les éléments en copropriété ne peuvent être détachés. On pense aux parties communes dans un immeuble à appartement multiples : il n’est pas possible de distinguer la propriété exclusive de l’appartement de la quote-part des parties communes de l’immeuble afférente à cet appartement.
On devine que la copropriété forcée n’est pas susceptible de partage, même si le texte laisse une porte très légèrement ouverte. Le partage est possible de commun accord ou, unilatéralement, si le bien en indivision « ne présente plus aucune utilité, même future ou potentielle », ce qui nous parait extrêmement restrictif.
Et les autres indivisions ?
Comme dit plus haut, l’article 815 de l’ancien Code civil n’a pas été abrogé car il reste pertinent pour les autres indivisions, comme par exemple la co-nue-propriété. Le cas n’est pas rare : pensons à des frères et sœurs qui héritent du bien de leur père, alors que leur mère conserve l’usufruit. Cette fratrie se retrouve fortuitement en état d’indivision de nue-propriété et chacun d’eux peut actionner l’article 815 pour sortir de cette situation, sans autre forme de justification.
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