Le livre 3 en 12 épisodes - « La nouvelle publicité foncière» (ép. 12)

 

Le livre 3 n’a pas seulement réformé les droits réels. Il abroge aussi – et réécrit - les dispositions ancestrales de la loi hypothécaire relatives à la publicité foncière. Cette réécriture implique des changements qu’il convient de souligner.

Constantes quant aux modes de publicité

Précisons d’emblée que les modes de publicité demeurent : la transcription, l’inscription et la mention marginale. Seules la transcription et la mention marginale sont organisées par le livre 3. L’inscription, qui concerne les hypothèques et les privilèges immobiliers, reste régie par la loi hypothécaire.

La transcription

La transcription est la reproduction intégrale de l’acte au sein du « bureau de l’Administration générale de la Documentation patrimoniale », nouvelle appellation de la conservation des hypothèques.

Seuls restent transcriptibles, comme auparavant, les jugements, les actes authentiques et les actes sous signature privée, reconnus en justice ou devant notaire. Les procurations dressées en vue de passer de tels actes doivent, elles aussi, revêtir la forme authentique.

La liste des actes soumis à transcription a toutefois été revue et des nouveautés ont fait leur entrée. Concentrons-nous sur ces dernières et citons :

  • le bornage est soumis à transcription, même amiable et même simple, ce qui constitue un grand changement dans la pratique,

 

  • les actes qui constatent l’acquisition d’un droit réel immobilier, tel un jugement qui fait droit à une demande de reconnaissance d’une prescription acquisitive (d’une propriété ou d’une servitude, par exemple), de même qu’un jugement octroyant une servitude légale de passage fondée sur l’article 3.135 du texte,

 

  • les actes qui contiennent un droit de préférence ou de préemption, ou encore une option d’achat, portant sur un immeuble. Ce changement est d’envergure : ainsi, tout bail commercial qui alloue au preneur une option d’achat ou un droit de préférence portant sur le bien loué doit désormais être transcrit, ce qui implique la rédaction d’un acte authentique et des coûts non négligeables. Il en est de même des contrats de leasing immobilier, ou encore des promesses de vente assez courantes en promotion immobilière,

 

  • les actes d’hérédité attestant qu’une personne hérite d’un droit réel immobilier. Ainsi, par exemple, le simple fait que le descendant devient propriétaire de l’immeuble hérité sera transcrit, assurant une meilleure lisibilité des transmissions immobilières successorales.

Quelle sera cependant la sanction de l’absence de transcription ?

Le but de la formalité reste d’assurer l’opposabilité du droit aux tiers. A défaut de transcription, le titulaire du droit verra ce dernier plus facilement contesté.

Ainsi, en cas d’option d’achat ou de droit de préférence, si le contrat a été transcrit, il ne sera plus possible pour le tiers acquéreur de soutenir qu’il a acquis de bonne foi, dans l’ignorance de la clause, en cas d’action pour tierce-complicité intentée par le bénéficiaire du droit. Cette formalité opère donc un renversement de la charge de la preuve dans ce type de contentieux.

Plus précisément pour les actes d’hérédité, le texte prescrit qu’aucun acte ne pourra être dressé concernant ce bien tant que l’acte d’hérédité n’aura été transcrit. Pour reprendre un exemple, les héritiers ne pourront pas vendre le bien hérité tant que la formalité n’aura pas été accomplie.

La mention marginale

La mention marginale est « la mention en marge de l’acte transcrit ». Cette mention s’impose lorsque l’acte transcrit est menacé en justice, comme auparavant. Les termes ont cependant changé : lorsque la loi hypothécaire invoquait les seules annulation et révocation du droit, le nouveau texte vise toute demande d’anéantissement, de portée plus large. Dès lors, toute action en annulation, résiliation, déchéance, révocation, rescision, etc. d’un droit réel immobilier devra faire l’objet de cette mention. On pense bien entendu à toute action portant sur la validité d’une vente immobilière, mais aussi à l’action en déchéance d’un usufruit immobilier ou encore à la suppression judiciaire d’une servitude. Il en est de même d’une demande de rectification des quotes-parts dans une copropriété, puisque l’ampleur des droits des copropriétaires est en jeu, même à la… marge.

Autre particularité : une mention sera requise en marge des statuts d’une ACP dont l’assemblée générale aura voté la dissolution à l’unanimité.

Le but de cette exigence est toujours d’informer tout tiers de la menace judiciaire qui plane sur un droit qu’il convoite.

La sanction du défaut de mention demeure : il s’agit d’une fin de non-procéder. Le juge ne pourra connaitre de la cause tant que cette formalité n’aura pas été accomplie. Il devra, en pareil cas, surseoir à statuer. Un oubli du demandeur peut donc être corrigé jusqu’à la clôture des débats.

Entrée en vigueur

Pour la parfaite information du lecteur, signalons que si le livre 3 est entré en vigueur le 1er septembre 2021, les dispositions dont nous faisons état aujourd’hui ont vu leur force obligatoire décalée au 1er juillet 2022. Gageons que les notaires ont eu le temps de se préparer à ces quelques changements.

 

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