Le livre 3 en 12 épisodes - « Les meubles et les immeubles » (ép. 11)

 

S’il y a bien une distinction cardinale en droit des biens, c’est celle relative aux meubles et aux immeubles. La distinction perdure dans le livre 3, mais les notions sont redéfinies, en particulier celle des immeubles. Il convient de s’y arrêter et de faire le point.

Des meubles résiduaires

Le texte prescrit que « tous les biens sont meubles ou immeubles ». Il n’y a donc pas de troisième voie, c’est un système binaire que le Code civil maintient.

Le texte précise ensuite que tout ce qui n’est pas immeuble est meuble, faisant de cette dernière catégorie une catégorie résiduaire. Les meubles ne sont donc pas autrement définis que par cette exclusion, à l’exception des « meubles par anticipation ». Ceux-ci, qui avaient déjà été reconnus par la jurisprudence, sont des immeubles que les parties à une convention envisagent sous un angle mobilier, en anticipant leur futur détachement du sol. On pense à des arbres qui vont être coupés ou encore à du sable qui doit être extrait du sol. Ce futur détachement les rend déjà juridiquement meubles, ce qui peut avoir des incidences fiscales ou en termes d’acte authentique. Le texte a aussi intégré une condition que la jurisprudence avait déjà consacrée : si la liberté contractuelle est bien celle-là, elle doit être vérifiée dans les faits. L’arbre doit être coupé ou le sable extrait « dans un délai techniquement ou économiquement raisonnable ». A défaut, le fisc pourra requalifier l’opération et cela peut coûter cher (au sens propre).

Les immeubles

Le livre 3 consacre trois types d’immeubles :

  • les immeubles par nature : il s’agit des fonds de terre (comme auparavant) et des « divers volumes les composant en trois dimensions ». Nous avons souligné, dans le premier épisode de la série, la véritable révolution du livre 3 que constitue la consécration tridimensionnelle de la propriété, et son incidence en matière de superficie. Nous y renvoyons.

 

  • les immeubles par incorporation : cette notion avait été dégagée par la jurisprudence et rattachée à la notion d’immeuble par nature. Désormais, elle jouit d’une consécration légale propre. Il s’agit de tout ouvrage ou plantation qui s’incorpore à un immeuble par nature : un arbre, un bâtiment construit, une pompe à essence, etc. Cette incorporation doit être durable et habituelle. Certes, l’arbre peut être coupé ou l’immeuble abattu, mais sa vocation est de s’inscrire dans le temps.

 

On intègre à cette catégorie « la composante inhérente », soit un nouveau concept issu lui-aussi de la jurisprudence. Le texte définit cette dernière comme « un élément nécessaire du bien qui ne peut en être séparé sans porter atteinte à sa substance physique et fonctionnelle ». Pour le dire autrement, c’est une chose qui, sans le bien auquel elle se rapporte, n’a pas de sens et qui, enlevée du bien auquel elle se rapporte, en diminue la fonctionnalité. Une chose qui n’a, finalement, aucune autonomie en soi. On pense à une chaudière, un châssis, des panneaux photovoltaïques, une appareil de conditionnement d’air,… Ces éléments dont donc également immobiliers.

 

  • les immeubles accessoires : cette nouvelle appellation couvre en réalité les modes d’immobilisation déjà bien connus : l’immobilisation par destination économique ou à perpétuelle demeure. Il s’agit donc d’un bien meuble en soi qui s’immobilise par le lien qu’il entretient avec un immeuble.

 

Ce lien peut être réel (lorsque le meuble est attaché à perpétuelle demeure, comme une statuette dans une alcôve ou un tapis coupé sur mesure) ou fictif, en raison d’un but économique. Pensons, dans cette dernière hypothèse, aux camions d’une usine ou à l’outillage d’un artisan. Ces biens sont, en soi, des meubles, mais seront fictivement immobilisés en raison du lien économique qu’ils entretiennent avec le fonds auquel ils se rapportent.

 

Les conditions de l’immobilisation ne changent pas, parmi lesquelles l’unicité de propriétaire entre la chose principale immeuble et la chose mobilière ainsi immobilisée. En d’autres termes, le propriétaire du bien meuble doit être propriétaire de l’immeuble, avec pour conséquence qu’un locataire ne peut pas immobiliser, pas plus qu’un usufruitier ou qu’un copropriétaire.

 

On ajoutera, dans un souci d’exhaustivité, que sont aussi qualifiés d’immeubles les droits et actions réels dont l’objet est immeuble et les droits et actions personnels visant à acquérir un immeuble. Il s’agit là des « immeubles par leur objet ».

Et les animaux ?

On l’a dit, il n’y a pas de troisième voie, même pour les animaux. Car ces derniers ont fait leur entrée dans le code, lequel a entendu leur réserver une place à part en les distinguant des personnes et des biens. Ainsi, et c’est nouveau, le texte leur reconnait « une sensibilité » et « des besoins biologiques ». Cela étant dit, les animaux restent des choses corporelles et seront toujours, eux aussi, meubles ou immeubles selon les circonstances. Précisons que cette consécration n’emporte pas d’autre conséquence civile, et, pour éviter toute illusion, que les animaux ne bénéficient pas de la personnalité juridique, pas plus qu’ils seraient désormais nantis du droit de vote ou de celui de payer des impôts…

 

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