Le livre 3 en 12 épisodes - « Les preuves de la mitoyenneté » (ép. 10)

 

La première question que se pose un praticien confronté à une problématique de clôture ou de mur est la suivante : le mur en question est-il privatif ou mitoyen ? Car de là découle son régime et donc les responsabilités des voisins.

Or, ce point de départ n’était pas aisé à déterminer sous le régime ancien, les dispositions étant du reste fort désuètes. Partant aussi du constat que les titres sont souvent muets, le nouveau texte a tenté de clarifier le régime de la preuve de la mitoyenneté selon trois principes.

Une première présomption de mitoyenneté

Précisions tout d’abord que la « clôture mitoyenne » est organisée dans le livre 3 dans le chapitre relatif aux relations de voisinage. Est visé sous cette appellation tout élément physique qui délimite deux propriétés immobilières : mur, clôture, haie, grillage, fossé, etc. Le régime de la mitoyenneté se trouve donc uniformisé, quelque soit le support matériel délimitant les parcelles contiguës.

Ensuite, en raison de l’utilité commune et égale que représente la clôture pour les deux voisins, le texte consacre comme premier principe que toute clôture bâtie « en limite » mitoyenne ou « à cheval » sur cette limite est présumée mitoyenne. Cette présomption est réfragable mais ne peut être renversée que par deux biais : par un titre (p. ex. un acte d’achat) ou par la prescription.

Contrairement à ce que consacrait l’article 653 de l’ancien Code civil, il n’est donc plus fait référence « à l’héberge », ni encore aux murs faisant séparation « entre cours et jardin », dont il était question auparavant. Le régime s’en trouve donc généralisé puisque, auparavant, la jurisprudence avait consacré que cette présomption de mitoyenneté ne trouvait pas à s’appliquer à « un mur séparant un bâtiment d’une cour ou d’un jardin ». Tel sera donc désormais le cas.

Une seconde présomption de mitoyenneté

Cette première présomption, et les motifs qui la renversent, est étendue à toute clôture qui fait séparation entre les fonds, mais dont on ignore si elle est bâtie en limite ou à cheval, car la limite est incertaine.

Dans ce cas, la présomption pourra aussi être renversée par des marques de non-mitoyenneté. Celles-ci sont au nombre de trois :

  • s’il s’agit d’un mur, on vise les éléments architecturaux qui étaient visés à l’article 654 de l’ancien Code : la forme des tuiles, la sommité du mur, les chaperons, les filets… Ainsi, un mur dont les tuiles sont telles que l’eau de pluie s’écoule vers une seule des parcelles est frappé d’une marque de non-mitoyenneté en faveur de cette parcelle.

 

  • s’il s’agit d’un fossé de terre, il sera présumé appartenir à celui situé du côté du rejet de terre, ce que consacrait l’article 668 de l’ancien Code civil,

 

  • s’il s’agit d’une clôture et que seul un des fonds est entièrement clôturé, cette clôture sera présumée appartenir au propriétaire de ce fonds.

Ces marques de non-mitoyenneté sont limitativement énumérées.

Une présomption de « privativité »

Enfin, troisième principe, le texte indique qu’un mur érigé sur la limite de propriété sera cette fois-ci présumé privatif s’il s’agit d’un mur de soutènement : la présomption jouera en faveur du fonds dont il soutient les terres pour autant cependant que le voisin d’en dessous n’y exerce aucun droit. Quand bien même ce mur de soutènement viendrait à dépasser le sol du fonds supérieur. il restera présumé privatif sur toute sa hauteur.

Cette présomption pourra aussi être renversée, en faveur d’une mitoyenneté, par un titre ou par la prescription.

La jurisprudence avait déjà jugé en ce sens avant le livre 3, de sorte que le nouveau texte ne vient pas bouleverser le régime juridique que nous connaissions.

Quand juger ?

Si le texte n’en dit mot, les travaux parlementaires précisent le moment à prendre en compte pour l’application de ces trois principes. Il ne s’agit pas du moment de la construction du mur, mais du moment du litige, quitte à démontrer que la situation a évolué depuis, ce que la jurisprudence avait là aussi déjà estimé.

On rappellera à cet égard qu’un mur originairement privatif peut devenir mitoyen par le biais de la prescription acquisitive, mais aussi par le biais des actions en vente et en achat de mitoyenneté. Ces deux dernières sont explicitement organisées par le livre 3.

La vente forcée est consacrée à l’article 3.107, selon les conditions déjà connues à l’article 661 de l’ancien Code civil, alors que l’action en rachat forcé de mitoyenneté se voit légalement consacrée à l’article 3.108 du texte. Ce dernier consacre les principes constants dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais cela, c’est une autre histoire…

 

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