Le livre 3 en 12 épisodes - « Le clôtage et la bornure » (ép. 9)

 

Bien souvent, un conflit de voisinage fait surgir la question de la limite entre les fonds : haie, clôture, piquets, treillis et enfin bornes ! Le nouveau texte consacre le droit de propriété « par en haut et par en bas » (il s’agit de l’étendue verticale) et « sur la gauche et sur la droite » (il s’agit de l’étendue horizontale). A ce titre sont organisés le bornage et la clôture.

Un ordre chamboulé

Le texte ancien consacrait le droit au bornage, avant le droit de se clore, ce qui relevait d’une certaine logique puisque la clôture visée ici est une clôture privative, érigée exclusivement sur le fonds de son propriétaire, et non une clôture mitoyenne érigée sur la limite entre les fonds, laquelle dispose d’un régime juridique qui lui est propre.

Pour s’assurer d’ériger sa clôture privative sur sa parcelle, encore fallait-il connaitre au préalable les contours de celle-ci.

Le nouveau texte renverse l’ordre des choses puisqu’il aborde d’abord la clôture (privative) avant d’aborder le bornage.

La clôture

Ainsi, il est consacré que tout propriétaire a le droit de se clore, jusqu’à la limite de sa parcelle. Ce droit doit s’exercer dans le respect « des prescriptions légales et réglementaires » et « sans porter atteinte aux droits des tiers ». Il faut y voir là que le propriétaire doit, le cas échéant, bénéficier d’une autorisation urbanistique et que sa clôture privative doit, par exemple, respecter le droit du bénéficiaire d’une servitude de passage. De même, on précisera qu’une clôture privative peut constituer un trouble anormal de voisinage si le choix de son implantation, de sa couleur ou de son matériau devait entrainer une rupture d’équilibre entre les fonds.

La preuve de la limite séparative

Une fois ce principe posé, le nouveau texte indique comment les limites sont consacrées, et le choix du législateur bouscule les habitudes. Il est dit que la limite résulte tout d’abord « de la prescription acquisitive » et que, ensuite, il conviendra de se référer au bornage authentique. Si ce dernier fait défaut, enfin, les parties devront se référer aux titres ou encore à la possession.

On en déduit que la prescription acquisitive vient supplanter le bornage même existant et authentique, puisque ces modes de preuve sont énoncés de façon hiérarchisée. Il faudrait aussi en déduire que le géomètre chargé de tracer la limite entre deux fonds s’interroge tout d’abord sur l’éventualité d’une prescription acquisitive avant de se soucier de l’existence de bornes, quand la pratique ancienne voulait que l’on agisse en sens opposé : les bornes, quand elles existaient, déterminent la limite entre les fonds, à charge pour celui qui souhaite la contester de démontrer un usucapion en sa faveur.

Il nous parait donc que le rôle des géomètres se voit (grandement) chamboulé, d’autant que, lorsque le débat est judiciaire, les experts ne sont pas juges de la prescription acquisitive. Seul le juge du fond peut constater cette prescription et la mutation de propriété immobilière qu’elle implique. Il faudrait donc, toujours à suivre cette logique, que toute mission d’expertise judiciaire visant un bornage comprenne, in limine litis, un rapport au tribunal quant à l’état décennal ou trentenaire de la situation de fait, pour permettre un débat judiciaire de cette question.

Le bornage

Si les bornes sont inexistantes, tout propriétaire reste nanti du droit de solliciter le bornage de sa parcelle. Cette action, viscéralement liée au droit de propriété immobilière, reste imprescriptible.

Le législateur a toutefois voulu encourager le bornage amiable et, par là, diminuer les contentieux. En effet, une procédure judiciaire ne sera envisagée qu’après mise en demeure de procéder à un bornage amiable dans les 3 mois.

Le législateur a voulu aussi assurer une meilleure sécurité juridique et matérielle de l’ensemble de ces opérations :

  • juridiquement : le texte prévoit que tout bornage, même amiable, devra être transcrit, ce qui implique la rédaction d’un acte authentique ; cette transcription est donc requise, que le bornage soit simple ou complexe,

 

  • matériellement : le texte indique qu’une fois les limites déterminées « sur papier », il convient de matérialiser celle-ci par la pose des bornes in situ. Il est vrai que dans la pratique, surtout lorsque le bornage est amiable, les voisins se dispensent parfois de cette opération.

Le principe du partage des frais de bornage à parts égales demeure, sous réserve de la « responsabilité extracontractuelle ». La jurisprudence avait déjà admis que si les frais du bornage, au sens strict, devaient être répartis à parts égales - dès lors que la borne constitue, en soi, une copropriété - les frais de justice, d’expertise ou les indemnités de procédure pouvaient être mis à charge de la partie qui, par son caractère particulièrement récalcitrant, avait suscité des développements procéduraux disproportionnés.

 

 

 

[1] Art. 3.61

[2] Art. 646 de l’ancien Code civil

[3] Art. 647 de l’ancien Code civil.

[4] Art. 3.61 § 1er

[5] Art. 3.61 § 4.

[6] Art. 3.61 §§ 3 et 4.

[7] Art. 3.61 § 5.

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