Le livre 3 en 12 épisodes - L’usufruit moderne ou l’entente cordiale (ép. 4)

Droit réel fort courant dans la pratique, l’usufruit est lui aussi revisité par le livre 3. Vu son importance, c’est le droit pour lequel le nouveau texte consacre le plus de dispositions. La volonté du législateur a été de donner au nu-propriétaire un rôle moins passif et d’inciter usufruitier et nu-propriétaire à plus de collaboration.

Une collaboration souhaitée

Il était traditionnellement enseigné que le nu-propriétaire devait « laisser jouir son usufruitier » et, globalement, attendre (avec plus ou moins d’impatience) l’extinction de l’usufruit soit, généralement, la mort de « son » usufruitier. Ces règles sont rééquilibrées et le nu-propriétaire est à présent titulaire de droits et d’obligations en cours de droit. Mieux encore, « Aimez-vous les uns les autres » dit le législateur de 2020. Les protagonistes sont désormais invités à agir de concert à plusieurs égards. Il en est ainsi :

  • de la description à établir à l’entame du droit : celle-ci incombe aux deux parties, et non plus au seul usufruitier. Elle reste toutefois davantage dans l’intérêt de ce dernier puisque dans l’attente, le nu-propriétaire peut interdire à l’usufruitier d’entrer en possession et, durant cette même attente, continuer à percevoir les fruits (donc les loyers) ! C’est aussi sur la base de cette description que sera appréciée, in fine, l’obligation de restitution de l’usufruitier. Il est donc impératif pour ce dernier de voir cette description accomplie et au plus vite ;

 

  • des droits et devoirs quant à la conservation de la chose : tous deux peuvent poser des actes en ce sens, même si la priorité est donnée à l’usufruitier car ce dernier a la chose en mains. Si la chose est immeuble, le nu-propriétaire est désormais nanti du droit de visiter le bien une fois par an, aussi pour s’assurer de son état et, en cas de manquements graves, lui permettre d’agir en déchéance contre l’usufruitier ;

 

  • des grosses réparations qui,  bien qu’accomplies par le nu-propriétaire, le seront après concertation avec l’usufruitier ;

 

  • des travaux érigés par l’usufruitier et pour lesquels ce dernier pourra se voir indemnisé en fin de droit : seuls ceux réalisés avec le consentement du nu-propriétaire sont concernés ;

Si la loi ne peut obliger les titulaires à s’aimer, ils sont tout de même fortement invités à s’entendre.

Un droit qui reste essentiellement temporaire

Alors que l’emphytéose et la superficie peuvent devenir perpétuelles, le droit d’usufruit reste temporaire, sans exception. Ce principe est impératif.

Il était au maximum viager pour les personnes physiques, il le demeure.

Quant aux personnes morales, le maximum de trente ans est poussé à nonante-neuf ans et s’aligne ainsi sur les durées maximales de l’emphytéose et de la superficie.

La question des travaux

La charge des travaux relatifs à l’immeuble est bien souvent le point d’achoppement principal dans cette matière.

Au titre des constances, le nu-propriétaire reste tenu par les grosses réparations alors que les réparations d’entretien restent à charge de l’usufruitier.

Au titre des nouveautés, soulignons trois changements de taille :

  • l’usufruitier reste tenu des réparations mais « sous réserve de l’usure normale, de la vétusté ou d’un cas de force majeure » : il pourra donc tenter de se justifier en fin de droit par l’un de ces biais ;

 

  • si le nu-propriétaire est défaillant quant aux grosses réparations, l’usufruitier pourra agir en justice contre lui en cours de droit : il ne devra donc plus attendre la fin du droit pour obtenir un hypothétique remboursement (ce qui était d’autant plus cocasse que, généralement, en fin de droit, l’usufruitier est… mort) ;

 

  • enfin, et c’est énorme, le nu-propriétaire pourra postuler qu’une part du coût des grosses réparations incombe à l’usufruitier, proportionnellement à la valeur du droit de ce dernier. En d’autres termes, un jeune usufruitier sera donc amené à devoir supporter une part assez importante des grosses réparations puisque plus l’usufruitier est jeune, plus la valeur de son droit augmente. Celle-ci le sera d’autant plus si l’usufruitier est une usufruitière vu la plus grande espérance de vie de cette moitié de l’humanité.

 

Des objets variés

Le droit d’usufruit peut porter sur tout type de bien : corporel ou incorporel, meuble ou immeuble, fongible ou non fongible, et même consomptible. Il peut donc s’agir de bâtiments, de comptes bancaires, d’actions en bourses, d’arbres à couper, de bouteilles de vin, de mines ou de carrières à exploiter, de collections d’art ou encore d’une bibliothèque… Conscient de cette diversité d’objets, le texte prescrit quelques dispositions particulières pour les usufruits très particuliers que sont les instruments financiers, les droits intellectuels ou encore les universalités.

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